Présentation du Blog sur le TCHAD

une aventure sur les pas d'un missionnaire au Tchad































































martedì 27 aprile 2010

Interview avec Norbert Souvalbé, suite...


21. Je suis sur que vous avez réalisé beaucoup de choses sur le plan du développement social, de l’Eglise de Bissi-Mafou. Pourriez-vous nous parler des greniers paroissiaux ? Comment sont-ils nés ? Et quel est leur fonctionnement ?

Pour ce qui concerne les greniers paroissiaux, l’idée est née il y a déjà quelques années, pendant une période assez critique au niveau des récoltes des céréales ; donc le conseil paroissial s’est rencontré, a partagé son souci par rapport au risque de disette et il a proposé cette initiative que je trouve tout à fait intéressante : la paroisse s’engageait à construire trois greniers dans trois secteurs différents de notre grande paroisse, et en revanche elle demandait aux gens de venir avec leurs céréales pour les stocker et pouvoir les récupérer à la fin de la saison abondante ; cela pour éviter d’utiliser arbitrairement le mil de la maison pour produire le bil-bil (bière traditionnelle à base de mil rouge) et de tomber ainsi dans des situations difficiles de famine, très fréquentes dans beaucoup de foyers ! Le mil dans les greniers paroissiaux est bien conservé et reste toujours propriété des paroissiens qui ne peuvent pas venir le reprendre avant le temps établi par la « commission des greniers » ; cela a aidé beaucoup des gens a apprendre à bien gérer leurs céréales et à ne pas gaspiller leurs produits de la terre pour produire boissons alcoolisées qui sont devenues un véritable fléaux au sud du Tchad !

22. Auriez-vous réalisé d’autres choses qui vont dans la même direction que celle des greniers ?

D’autres réalisations au niveau de développement il y en a eues : on a fait des forages pour assurer dans des différentes zones de la paroisse des « points d’eau potable » qui puissent être utilisés soit pour les besoins des foyers, soit pour donner à boire au bétail notamment pendant la saison sèche et aride !
Nous avons aussi voulu diffuser des moto pompes pour mieux arroser les vergers des paysans qui voulaient améliorer leurs cultures maraichères ! J’ai vu que cela a aidé bien de familles à réaliser des vergers très productifs aussi pendant la saison sèche.

23. Selon votre constat décennal, est-ce que les chrétiens de Bissi sont-ils créatifs ? Oui ou non ?

La population locale est très créative, mais elle a souvent besoin d’être aidée à faire des choix nouveaux qui puissent améliorer la qualité de la production ; parfois nos gens se contentent du peu que la terre leur donne… et cela ne suffit pas pour développer les familles, les villages ! Il faut dire que la culture traditionnelle locale (certaines chefferies) ne favorisent pas du tout le développement des familles ; car développement signifie « changement » d’habitudes, capacité de réaliser des nouveaux projets, désir de nouveautés, tendance à sortir de la manière de vivre établie par la société locale (qui est assez rigide, qui pose un contrôle social assez strict et qui n’aime pas trop voir des citoyens qui se prennent des libertés par rapport au « statu quo » !
L’Eglise a toujours joué un rôle très important en cela… en aidant les chrétiens à réfléchir à une amélioration de leur bien être socio-économique !

24. Pourriez-vous nous parler de deux Bibliothèques qui existent dans la paroisse de Bissi-Mafou ? Qui pourvoit à leur fonctionnement ordinaire ? Quelle est leur origine ? Leur visée ?

Les deux bibliothèques sont des points de « repère » très importants pour favoriser l’agrégation de la jeunesse locale et pour donner la possibilité de faire grandir la culture des gens et des villages en général. Beaucoup de jeunes ont compris l’importance de l’enjeu et désormais, chaque année, organisent des semaines culturelles à l’aide des proviseurs et des professeurs des Lycées de notre milieu ; leur origine remonte à il y a une vingtaine d’années, grâce à un dialogue très constructif et apprécié entre intellectuels, élèves, parents et Eglise locale ; le but était de faire « rencontrer » la jeunesse (el les adultes qui le désirent) autour de la culture et des problèmes sociales et traditionnels, en dehors…bien sur, des marchés à boissons ! Le chemin à parcourir ensemble est encore très long, mais beaucoup ont déjà compris que la culture et le débat sur les grands sujets de la vie moderne et traditionnelle restent un lieu « stratégique » sur lequel poser les fondations d’un avenir plus prometteur et heureux pour notre société africaine !

25. Croyez-vous que l’homme moundang est-il prompt à dénoncer une injustice dans son milieu, ou bien a-t-il la tendance de « fermer un œil » ? Pourquoi cela ?

L’homme, n’importe de quelle ethnie ou culture il appartient, il possède toujours un cœur, une intelligence et il est par définition solidaire et proche des besoins de ses frères ! Parfois cette attitude naturelle est freinée par des désirs injustes dictés par l’égoïsme, la soif du pouvoir et d’argent ; cela porte beaucoup d’autorités et des chrétiens aussi à piétiner les droits de leurs concitoyens et frères ; un climat de peur et de méfiance s’instaure souvent dans beaucoup de villages et les gens craignent de dénoncer les abus et les injustices, de peur de finir en prison ou devant les autorités ; donc parfois le silence prévaut sur la dénonciation des injustices ! Mais je peux témoigner que désormais dans les villages la sensibilité à l’égard d’une vie plus juste et respectueuse des droits et devoirs de chacun, est en train de se développer à tout azimut !

26. A votre avis, les Moundang sont-ils en train d’évoluer vers la modernité ou sont-ils restés ancrés à la tradition ancestrale ?

Tout homme désire améliorer sa qualité de vie et de relation ! Tous, les Moundangs aussi, apprécient savourer les bonnes choses qui sont apportées par la modernité. Evidemment le gros défi d’aujourd’hui c’est de détecter ce qui est bon et ce qui est mauvais dans la société moderne ; l’Eglise a la tache d’aider la jeunesse, les foyers, les communautés chrétiennes… à réfléchir ensemble et à bien discerner ce que l’on peut accepter de la modernité et ce que on doit absolument rejeter !

domenica 28 marzo 2010

CONVERSATIONS SUR LE TCHAD... suite 2




7. Les jeunes vous demandaient-ils souvent des rencontres ou des partages fraternels sur la Parole de Dieu ?


Je tiens, tout d’abord, à dire que les jeunes tchadiens que j’ai connu, se présentent tout à fait comme tous les autres jeunes du monde entier : ils aiment la belle vie, ils se battent pour aboutir à un avenir plein d’espérance et pour pouvoir réussir leur vie ! Bien sur que leur "vie africaine" est naturellement imprégnée de fortes valeurs spirituelles, de sensibilité religieuse marquée qu'eux absorbent depuis leur vie ancestrale millénaire !
A propos de la question qui m’a été adressée j’y tiens à dire franchement que ce ne sont pas les jeunes qui m’ont demandé de mieux approfondir la BIBLE, mais cette intuition est venue aux membres du « Bureau de coordination de la Jeunesse paroissiale » qui se rencontrait une fois par mois.
En sachant bien que le JEUNE TCHADIEN n’ouvre pas spontanément son cœur ou sa conscience à n’importe qui… car l’intimité et la pudeur pour l’africain sont des « clés » rares que pas tout le monde peut recevoir (sauf si l’on est initiés ou bien si l'on est des véritables amis intimes !)


Cela nous a poussés, avec bonne confiance de réussite, à demander secours à la Bible !
Lorsqu’on organisait des SESSIONS BIBLIQUES et on décortiquait au fur et à mesure la Parole de Dieu en présentant quelques personnages bibliques fascinants… alors cela a déclenché le déclic en beaucoup de jeunes en leur donnant souvent le désir spontané d’ouvrir en grand leur cœur et leur vie personnelle, pour tenter de la comparaitre avec celle des LEURS COPINS rencontrés dans les pages de l’Ecriture Sainte ! En ce cas leur pudeur et discrétion « traditionnelles » laissaient bientot la place à des ouvertures extraordinaires et parfois émouvantes !

8. Quelqu’un parmi ces jeunes vous a, peut-être, demandé une bénédiction ou un sacramental pour mieux affronter les épreuves de la vie ?


Ce sont notamment les adultes qui venaient à la Mission pour demander quelques bénédictions sur un membre de leur famille ou de leur « clan », soit-il malade ou bien fragilisé ! Quelques jeunes ont demandé des prières ou bien des « intercessions » de ma part à l’occasion des examens, de moments difficiles de leur vie familiale, de sorcellerie… mais j’avoue qu’on pourrait les compter sur les doigts des deux mains !

9. Pourriez-vous nous avouer de tout cœur, si vous êtes rentré en Italie, le cœur plein de joie et d’espérance, ou non ? Et pourquoi ?


Bien sur que oui ! J’ai souffert de devoir quitter mes gens, notamment les jeunes avec lesquels j’avait donné non pas seulement des « consolations évangéliques » mais mon affection fraternelle, mon amour, mon amitié, mon temps personnel et je dirai aussi… le mieux de ma vie d’homme et de prêtre. Mais j'avoue qu'il y a de jeunes, des séminaristes, des jeunes prêtres et quelques adultes qui ont gardé avec moi un lien très fort, désintéressé et authentique . Je suis sur que toute relation fondée sur l’amour et la confiance (tel qui nous est proposé par Jésus dans l’évangile) ne finira jamais et plutôt se répandra à tache d’huile de manière à renouveller toute une communauté, un groupe, une famille, voire une société… par contagion ! Cela me donne, bien sur, beaucoup d’espérance et de bonheur !

10. A votre avis, les jeunes aiment-ils lire, réfléchir, partager les soucis de leur vie ? Les deux bibliothèques de la paroisse ont-elles été exploitées suffisamment ? Quelles en sont au juste les causes ?


Dans une société très structurée et hiérarchisée, comme celle tchadienne que j’ai connu… ce n’est pas évident de se mettre trop à réfléchir ! ou bien, si l’on veut être plus précis il faudrait dire qu’en Afrique noire on réfléchit "en groupe", en clan et non pas trop à niveau individuel ! Oui, ce sont des sociétés « solidaires », où il ne faut jamais rompre la "chaine" sociale; c'est dans un groupe "fort" et "solidaire" qu'on trouve la force et l'unité en se structurant d’une manière souvent rigide au niveau clanique et sociétaire.
Quelqu’un a affirmé (je crois à raison) que parfois la conscience personnelle est un petit peu atrophiée à cause d’une conscience sociale trop développée !
Donc, en tant qu'Eglise, nous avons du faire un long travail de sensibilisation au niveau de la jeunesse, dans les Lycées, dans les villages pour pousser les élèves à lire, à réfléchir aussi au niveau personnel, etc… Il faut savoir qu’au Tchad les Bibliothèques souvent remplacent le « vide culturel » laissé par l’Etat qui ne donne ni Bibliothèques scolaires adéquates ni livres aux élèves. Donc la Bibliothèque n’est pas tout à fait un « centre d’approfondissement culturel » mais plutôt un lieu où on y va pour emprunter un livre scolaire qui est au programme, ou bien un lieu où voir un beau film. Ensuite il faut le remarquer, la jeunesse est beaucoup attirée plutôt par les petits marchés de village qui sont des véritables pôles de rencontre sociale, de retrouvailles et de socialisation. Ceci, d’une certaine façon, détourne les jeunes soit du sport, soit de la culture, soit de l’opportunité offerte par nos paroisses de participer à des rencontres formatives ou juvéniles de qualité. Mais beaucoup de jeunes étudiants que j’ai connus sont en train de réfléchir à l’importance de cela… et les choses vont un jour changer ; petit à petit bien sur !

11. La jeunesse de Bissi s’intéresse-t-elle à la culture en lisant des livres ou bien des magazines ? S’intéresse-t-elle aux activités culturelles telles que : sport, théâtre, jeux concours, l’art, la musique ?


A cette question je crois avoir suffisamment répondu. Plus que les journaux et les magazines, presque inexistants au niveau local, je pense que la jeunesse s’informe en écoutant la Radio locale (RTN – Radio Terre Nouvelle), RFI, etc… Aussi des nombreux groupes théâtrales sont en train de se mettre en place dans les villages grâce au bon travail de sensibilisation des Centres Culturels appuyés par les Missions Catholiques et quelques Organismes Internationaux bienveillants ! L’art au Tchad est très peu développé, tandis que la musique fait bien bouger beaucoup de jeunes d’aujourd’hui !

12. Pensez-vous que notre jeunesse ait le souci de bien bâtir sa vie, son avenir ? A l’aide de qui ? Ou bien beaucoup parmi eux se livrent à l’alcool ou bien se contentent de « subir » passivement ou d’une manière fataliste leur « vie présente » ?


Bien sur que notre jeunesse tchadienne a envie, comme toute jeunesse du monde entier, de bâtir un avenir plus heureux et moins replié sur soi-même ! Le monde « globalisé », qui offre plus de bienêtre et qui défile à travers les média qui arrivent désormais aussi dans notre brousse tchadienne, nous fait voir qu’on peut vivre mieux, qu’on peut désirer plus pour nous et pour nos enfants !
A l’Eglise la difficile tache d’orienter discrètement les jeunes dans cette recherche du « mieux être » et d’un avenir qui ne soit pas seulement consumérisme ou bien recherche individualiste d’une meilleure « place au soleil »… en quittant définitivement le village natal, leur culture avec toutes les profondes racines ancestrales. Malheureusement, il faut le remarquer, ce phénomène est en train de se consolider aussi dans les villages plus reculés !
Evidemment, ceux qui abusent de l’alcool ont la tendance à vivre au jour le jour et à se livrer aux mauvais conseillers, aux mauvais amis ou bien à accepter comme normal que l’actuelle « pauvreté » de vie ne peut pas être franchie et dépassée.


13. Avez-vous remarqué un sincère « désir de responsabilité » dans le cœur des adultes de notre paroisse ? Les adultes sont prêts à « accompagner » leurs enfants, main dans la main, à bien affronter leur avenir ?


Un grand travail au niveau d'éducation des familles a été fait dans la dernière décennie dans beaucoup de Missions, dont la nôtre. Oui, bien d’adultes ont compris l’enjeu de l’éducation familiale sérieuse qui ne peut pas être remplacée par d’autres agences qui sont sur le terrain. Bien sur que le travail en synergie entre paroisses et familles reste un atout très important et pas négligeable ! Où il y a des adultes responsables et murs… on trouve une formidable opportunité de mieux aider les jeunes à bien réfléchir sur leur vie, leur avenir et à faire des choix responsables et conséquents ! Depuis des millénaires la « maïeutique », c'est-à-dire l’art d’accompagner, ou mieux… d’accoucher une vie nouvelle, plus épanouie (autrement dit: c'est bien de faire ressortir ce qui de positif et de profondément humain existe déjà dans le cœur de chacun.) Ceci, au niveau éducatif reste toujours le vrai défi à relever dans toute société, communauté chrétienne et donc aussi celle de Bissi-Mafou ! Les jeunes couples sont, de fait, plus sensibles et attentifs à « accompagner » en orientant leurs enfants !


14. Bissi-Mafou est l’une des plus grandes paroisses du Diocèse de Pala. Pensez-vous que la « collaboration responsable » des chrétiens, correspond à la taille de cette paroisse ?


Non, on est bien loin du but à atteindre, mais je ne veux pas tirer la sonnette d’alarme ! Beaucoup de chemin a été fait pendant ces dernières décennies en collaboration avec le Conseil paroissial, le Conseil des Affaires Economiques, les groupes de réfléxion et d'études (au niveau des jeunes, des adultes et aussi des femmes... grâce à ce chemin de synergie qu’aujourd’hui on ne peut plus négliger ! L’évêque de Pala, monseigneur Jean-Claude Bouchard depuis 2001 est en train de « battre le clou » sur la nécessité d’une Eglise adulte et responsable… à laquelle nous tous sommes concernés ; oui, car l’Eglise n’est pas une petite affaire des missionnaires ou de quelques chrétiens généreux, mais de tout catéchumène et baptisé !
A nous donc de s’y mettre avec une passion et une conviction encore plus exemplaires !

sabato 27 marzo 2010

CONVERSATIONS SUR LE TCHAD






LE SERVICE MISSIONNAIRE À L’EGLISE
DE BISSI-MAFOU AU TCHAD


Conversations africaines entre le Père Roberto Collarini
et Norbert Souvalbé Padeu


Jérusalem (Israël), le 28 mars 2010
Fête des Rameaux

« Alors, les apôtres, du Mont des Oliviers, ils s’en retournèrent à Jérusalem ; la distance n’est pas grande : celle d’un chemin de sabbat. Rentrés en ville, ils montèrent à la chambre haute (le cénacle) où ils se tenaient habituellement… Tous, d’un même cœur, étaient assidus à la prière avec quelques femmes, dont Marie mère de Jésus, et avec ses frères ! »

(Actes des Apôtres 1, 12-14)

« Le jour de la Pentecôte étant arrivé, ils se trouvaient tous ensemble en ce même lieu, quand, tout à coup, vint du ciel un bruit tel que celui d’un violent coup de vent, qui remplit toute la maison où ils se tenaient. Ils virent apparaitre des langues de feu ; elles se partageaient, et il s’en posa une sur chacun d’eux. Tous furent remplis de l’Esprit Saint et commencèrent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer » (Actes des Apôtres 2, 1-4)

« Tous les croyants ensemble mettaient tous leurs biens en commun ; ils vendaient leurs propriétés et leurs biens et en partageaient le prix entre tous les frères selon les besoins de chacun. Nul n’était dans le besoin. Jour après jour, d’un seul cœur, ils fréquentaient assidument le Temple et rompaient le pain dans leur maison, prenant la nourriture avec allégresse et simplicité de cœur. Ils louaient Dieu et avaient la faveur de tout le peuple. Et chaque jour, le Seigneur adjoignait à la communauté ceux qui seraient sauvés ! » (Actes des Apôtres 2, 44-47)


INTRODUCTION

Cette interview nait de l'initiative d'un jeune ami tchadien, Norbert Souvalbé Padeu, qui depuis deux ans est séminariste du Grand-Séminaire « Mbaga Tuzindé » de Sarh ! Il est un jeune homme issu de Bissi-Mafou (village d’Elsyon) et depuis quelques années il est en train de suivre son cheminement vocationnel pour devenir prêtre du Diocèse de Pala où j'ai desservi la Mission catholique de Bissi pendant une décennie. Il y a quelques mois, Norbert m’avait soumis des papiers remplis de questions intéressantes concernant mes dix intenses années comme curé de Bissi-Mafou.
Enfin, je me suis décidé à commencer à lui répondre et aujourd'hui je prends le "courage par la main" et je tache d'improviser une "conversation ouverte" en partant de ses intéressantes questions qu'il m’avait confiées avant de quitter le Tchad en Décembre 2009 ; je le fais ici dans l’ambiance calme et « priante » de la ville sainte de Jérusalem où je me retrouve pour une période de récyclage et de ressourcement.


Ici dans le Cénacle (la chambre haute), l’Esprit Saint a donné origine à notre l’Eglise !
Tous ces lieux, qui respirent encore aujourd’hui la présence vivante de Jésus, je suis en train de les visiter avec grand recueillement et avec un cœur habité par la prière. J’avoue de garder chaque jour et dans chaque lieu visité en cette Terre Sainte, un intense souvenir fraternel et très fort pour chacun des chrétiens de ma paroisse de Bissi-Mafou.


Oui, ils sont tous ici avec moi, dans mes prières. Ici à Jérusalem Jésus à fondé l’Eglise en envoyant l’Esprit Saint sur ses apôtres réunis avec Marie au Cénacle ! Ici à Jérusalem toute notre histoire sacrée a commencée et continue de se répandre dans la Terre entière. Mon service au Tchad, dans la paroisse moundang de Bissi-Mafou, 10 ans durant, plonge tout à fait ses racines dans cet évènement extraordinaire qui fut, justement, la Pentecôte ; c’est en ce moment précis qu’on fait commencer la vie de l’Eglise et ici prend son départ tout envoi missionnaire aux lointains ! Oui, je peux le dire que l’histoire de mon service à l’Eglise du Tchad n’aurait jamais pu avoir lieu sans cette Pentecôte sur Jérusalem dont je viens de citer quelques passages !


« CONVERSATION » SUR DIX ANS DE MISSION AU TCHAD

1. En vous voyant vivre dans notre grande paroisse de Bissi, on a comme l’impression que tout dans l’ensemble a bien marché . Est-ce que cela n’est il pas une impression superficielle ? Ou bien vous partagé ce point de vue ?

R) Bien sur que le « travail » (ou mieux, le service) d’un curé dans une paroisse ce n’est pas de tout faire lui-même, mais notamment de promouvoir la participation de tout un chacun à la croissance humaine et spirituelle de la paroisse qui est comme une grande famille. Je m’explique mieux : ma tache, comme tout autre curé c’est de faire la synthèse des ministères ou des dons qui sont enfouis (cachés) dans les cœurs de tout paroissien. Difficile, n’est-ce pas ? C’est un service fascinant que de rechercher ensemble les dons que chacun porte dans son cœur et qu’il a reçu le jour de son Baptême pour les faire fructifier et de les mettre ensuite au service de toute la communauté chrétienne. Si chacun donne avec joie et compétence ce qu’il a reçu de Dieu, alors la communauté va grandir et consolider son unité soit dans le Christ soit entre chacun de ses membres !


2. Vous semblez être toujours actif et passionné dans votre service pastoral. Pouvez-vous nous dire comment vous organisez votre emploi du temps journalier ? Hebdomadaire ?


R) Voilà, j’essaie de vous dévoiler l’emploi du temps d’un curé ! Cela me fait sourire, car d’abord je tiens à le dire que si notre vie n’est pas imprégnée profondément par Jésus, tout ce que nous mettons au calendrier va être tout à fait inutile, stérile. Il le dit bien l’évangile de Jean 15 :

« Sans moi vous ne pouvez rien faire ! » Oui, Jésus dit exactement cela : rien ne peut réussir dans notre vie et dans notre « action pastorale » (apostolat) si nous ne rechargeons pas nos batteries en nous plongeant dans l’évangile !

Donc, pour revenir à l’emploi du temps de mes journées à Bissi :

levée à 5 h 30
Ste Messe à l’église à 6 h 00 – laudes à la petite chapelle de la mission avec les sœurs à 6 h 30 – 7 h 00 petit déjeuner – 7 h 15 : méditation sur la Parole de Dieu du jour et lecture de l’évangile du lendemain en moundang – 8 h 15 : début du travail ou bien départ sur quelques villages. Dans l’après midi, tout de suite après une courte sieste, tour dans le village, ou bien rencontre avec les paroissiens – 19 h 00 : vêpres à la chapelle avec les sœurs – souper du soir (repas) – nouvelles à la télé ou à la radio et temps pour préparer des rencontres pour le lendemain. Prière du Chapelet personnelle - Temps consacré aussi pour la lecture, l’envoi de quelques lettres, écoute de musique.
Pour ce qui concerne d’autres rendez-vous hebdomadaires j’avoue que chaque semaine prévoit des différents engagements, décidés au fur et à mesure !


3. D’après votre expérience missionnaire en milieu moundang, pouvez vous dire qu’existent-il des véritables « relations solidaires » dans nos villages ?

Quel genre de solidarité ?

R) Bien sur qu’il existe une solidarité entre les familles, entre les clans et notamment entre les personnes nécessiteuses. Les hommes de tout azimut géographique sont solidaires entre eux. Malheureusement quelques uns ont la tendance à ne jamais vouloir marcher de leur jambes et donc à s’appuyer toujours sur quelqu’un d’autre ! Ce le cas de l’arbre « gourmand » qui profite de la nourriture et de la sève de l’arbre sur lequel il s’est implanté. Je pense qu’il ne faut pas exagérer en profitant des frères sans jamais donner la pareille. Oui, le bon chrétien doit pouvoir incarner dans sa vie de chaque jour cet adage de Jésus « Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir ! »… et cela est bien vrai et nous donne bien de bonheur et de liesse !

4. Comment comparez vous l’esprit créatif des catholiques, des protestants et des musulmans dans le commerce ?


R) On connait bien que les musulmans, ont enraciné dans leur ADN une spéciale habilité à faire du commerce et à réussir à tout prix dans leurs activités professionnelles. Et en cela il y a aussi une grande solidarité entre eux ; oui, les plus aisés donnent souvent un coup de pouce à ceux qui sont en train de s’orienter dans une activité commerciale. La réussite dans les activités économiques fait rebondir pour un bon musulman les bénédictions de la part d’Allah ! Ensuite la situation sociopolitique de notre pays le Tchad joue à faveur des musulmans qui peuvent ainsi agir sur tous les leviers des activités et des postes plus rémunérateurs de la société. Chrétiens catholiques et protestant, à cause de leur histoire au pays sont notamment occupés dans les activités agro-pastorales. A vrai dire, dans la dernière décennie, on peut remarquer un bondissement des chrétiens qui se sont bien plongés dans le petit commerce et qui sont en train de se débrouiller dans ce domaine. Le temps à venir nous dira la suite !

5. Aviez vous un comité paroissial de Justice et Paix ? Pourriez-vous nous dire quels ont été les problèmes rencontrés ? Y-a-il eu des résultats positifs ?


R) Bien sur que la paroisse de Bissi a mis sur pied depuis longtemps un Comité paroissial J/P. Le pape Paul VI en 1967 avait lancé l’invitation de promouvoir dans l’Eglise une sensibilité spéciale à l’égard de la justice à l’intérieur de l’Eglise et dans notre société civile. Oui, l’Eglise doit faire grandir à tout prix ses communauté à la lumière éblouissante de la Parole de Dieu qui se présente absolument comme le véritable défenseur des petits, des plus faibles. C’est évident que ceux qui travaillent pour la justice, à tout niveau, vont piétiner les intéresses personnels de certaines autorités locales, des « notables » ou bien des « grands » qui se sont bien assis dans les villages… qui vont bien sur rétorquer et réagir contre ceux qui les empêchent de pouvoir continuer à profiter de leur situation injuste et malhonnête !

L’action de Justice et Paix dans nos communauté est en train, petit à petit, de réveiller les consciences des chrétiens et de réduire la peur qui reste toujours à un niveau très élevé !

6. Durant les 10 années passés à Bissi-Mafou, combien de chrétiens vous avez baptisés ? Combien de mariages avez-vous célébrés ? Avez-vous donné d’autres sacrements qui ont marqué votre vie de prêtre ?

R) Il faut le dire que notre Eglise de Pala est encore une jeune Eglise (Elle fut fondée en 1964) et donc elle vient de commencer avec les chrétiens et les catéchumènes un

«cheminement» qui introduit à la VIE ADULTE CHRETIENNE; Pour cela on l'appelle justement (depuis les premiers siècles de l'histoire de l'Eglise) INITIATION CHRETIENNE.

Le mot le dis bien qu’on est en train de commencer, de débuter la route qui porte à CHERCHER, CONNAITRE, RENCONTRER, AIMER le CHRIST pour désirer ensuite de VIVRE avec lui !
Evidemment dans ce long chemin d’initiation (qui dure entre 4 et 6 ans) et qui prévoit la préparation au Baptême, à la Communion avec le Christ et à la Confirmation qui nous engage à vivre une foi adulte, c’est encore prématuré de penser à un cheminement successif qui prévoit aussi de construire des foyers chrétiens enracinés dans le Christ.

Le Diocèse de Pala, depuis quelques années, est en train d'etudier et de mettre "en place" des parcours pour préparer les catéchumènes et les chrétiens au Sacrement du Mariage... mais les pas à faire sont encore beaucoup et escarpés.


Dans beaucoup de milieux de notre région le MARIAGE est encore vécu par beaucoup de monde dans la forme traditionnelle ou bien (et cela c’est un phénomène très préoccupant) on est en train de constater de plus en plus la pratique négative des mariages par rapt ou précoces qui se produisent sans le consentement de la famille des époux ! Parfois les jeunes des villages veulent quitter brusquement leur famille et leurs traditions ancestrales qui sont devenues pour eux de plus en plus « étroites » et étouffantes ; comme cela la jeunesse se marie hâtivement pour quitter le village et se déplacer dans les grandes villes où le contrôle et la pression sociale sont évidemment moins contraignants !

Donc je dirai ici que dans nos paroisses il n'y a pas encore beaucop de chrétiens qui demandent le Sacrement du MARIAGE. Les temps ne sont pas mures pur ce pas, cet engagement chrétien en tant que couple ! Je crois avoir marié une vingtaine des couples en dix ans !


Mais le Sacrement que plus m'a touché en tant que pretre a été celui de la Réconciliation ! Bien de jeunes et d'adultes s'y approchèrent pour "relire leur vie" et la confronter avec l'évangile. Emouvant et édifiant aussi pour un pretre comme moi...pouvoir constater l'action de l'Esprit dans la vie de tout homme qui se met à la suite de Jésus !

Aussi le Sacrement de l'Onction des Malades m'a persuadé que Dieu peut faire des miracles si nous mettons, sans réserve et avec confiance, toute notre faiblesse et notre espoir entre les mains de Dieu, notamment lorque la maladie se fait grave et parfois désespérée !


... A SUIVRE très prochainement !

giovedì 11 marzo 2010

LE TCHAD, UN PAYS... 120 ETHNIES !




Peut être que beaucoup parmi vous ne connaissent pas que le Tchad est un grand Pays de l'Afrique centrale, trois fois plus étendu que la France, quatre fois l'Italie !


Nombreuses sont les ethnies qui composent la population du Pays; le dernier recensement du 2009 a publié les résultats suivants : 11 millions et demi d'habitants, population en large majorité à vocation agricule, très peu d'industrialisation. Les deux langues officielles sont le Français (parlé notamment dans le Sud du pays) et l'Arabe (langue des populations du Centre-Nord). Mais il ne faut pas oublier que le tissu languistique du Tchad est formé d'à peu près 120 (cent-vingt) et plus ethnies, dont les plus connues sont les suivantes : les Gorans, les Zagawa, les Ngambayes, les Toupouris, les Mousseys, les Moundangs, les Saras, les Pévés, les Zimés, les Lélés, les Moroum, les Marbas, les Peuls (ou Mbororos).

Un caléidoscope bien varié de langues et dialectes qui enrichit, tout à fait, ce peuple généreux de l'Afrique Subsaharienne.


La Mission catholique de BISSI-MAFOU au sud-ouest du Tchad


La Mission catholique de Bissi-Mafou, dans le Diocèse de Pala, au Tchad fut fondée par le père Raoul Martin, Oblat de Marie Immaculée (originaire de Moiran, en Savoie) qui arriva ici en 1953, en idro-avion. Il parcourut toute la zone de l'ethnie MOUNDANG comprenant les terroirs de Léré (siège de la chefférie traditionnelle du "gong" moundang), Mombaroua, Guelo, Bissi-Mafou, Torrock.

Le père Martin, avec beaucoup de patience, d'investissement personnel et sa grande capacité de vivre dans les villages avec les gens en y apprenant aussi vite la langue locale... il arrivait à donner une structure aux paroisses moundangs qui se développèrent et accueillirent le Christianisme au coeur de la tradition animiste locale.

Bissi-Mafou restait confiée aux pères OMI jusqu'en 1988, lorsque l'éveque Jean-Claude Bouchard la confiait à la responsabilité du Diocèse italien de NOVARA.

Les pères qu'y travaillèrent furent : le père ALBERTO OLIVO, FAUSTO COSSALTER, EMANUELE CARDANI, CESARE BALDI, PAOLO PESSINA, ROBERTO COLLARINI, MASSIMO BOTTAREL (qu'ensuite devient curé de Guelo).

A présent (depuis le 22 septembre 2009, la Mission Catholique est confiée au Père BENOIT LOVATI, pretre "Fidei Donum" du diocèse italien de Novara).

Les soeurs qui ont travaillé dans cette réalité moundang furent les SOEURS URSULINES SUISSES DE FRIBOURG (depuis 1969 à 1995) et maintenant les SOEURS FILLES DE NOTRE DAME DE LA MISERICORDE de Savone (Italie).

Le père Raoul Martin, fondateur de la Mission Catholique de Bissi et de toutes les autres Missions Catholiques MOUNDANG est agé de 82 ans et vit sa retraite priante à N'Gaoundéré (ville du Cameroun, région de l'Adamaoua).
La Mission Catholique de Bissi-Mafou est composé de 37 communautés chrétiennes, divisées en 9 Secteurs pastoraux. Les chrétiens baptisés ont déjà atteint le nombre de 5 000 unités en 55 ans d'évangélisation du milieu moundang.

Entretien sur le TCHAD !

Je voudrais essayer de m'entretenir avec vous, de temps en temps à l'égard du TCHAD, le pays de l'Afrique Centrale où j'ai travaillé en tant que missionnaire pendant 10 ans ! Là bas j'ai partagé mon coeur et mes énergies ! Petit à petit j'aimerai, au fil des jours, vous livrer ces quelques considérations pour qu'ainsi le travail passionné de centaines de missionnaires puisse etre mieux connu et apprécié. Je m'essayerai aussi de partager avec vous quelques sujets ou réalités liés à la culture locale pour mieux aborder les thèmes chauds qui sont au coeur de l'actualité tchadienne.
Un bon partage de photos et d'images pourra aussi rendre plus intéressant notre carnet de voyage !
Bonne caravane... dans cette terre passionnante et rude... habitée par des civilisations qui ont fait l'histoire de ce Pays de Toumaï (le plus ancien hominide découvert au Tchad en 2002 !)

En se souvenant du Tchad...


Chers amis du TCHAD,
je dois beaucoup remercier dans ces colonnes, tant d'amis qu'après trois mois depuis mon retour définitif du Tchad... m'ont donné l'occasion de continuer à causer de cette expérience missionnaire passionnante qui m'a percé le coeur !
Je m'essayerai donc ici de vous faire découvrir un monde peu connu, ses problèmes majeurs, les attentes des populations locales, les visages des gens, les priorités pastorales et socio-économiques du Pays...
Ce petit Blog a le désir de nous aider à garder "vivant" et éveillé le souvenir de cette terre... pour qu'elle puisse enfin pousser les ailes de la liberté civile et religieuse vers un avenir meilleur et plus juste pour chaque personne (du plus petit au plus grand) !

BIENVENUE AU TCHAD !




CIAO,
aujourd'hui je vais commencer le remplissage de ce petit BLOG AFRICAIN pour partager avec vous ces quelques expériences sur mon aventure au Tchad !
A très bientôt.
Roberto